- Accueil
- Actualités
- Culture
- 2025 05 Retour sur le voyage au Chambon-sur-Lignon
2025 05 Retour sur le voyage au Chambon-sur-Lignon
Partage
Dans le cadre et dans l’esprit des Racines huguenotes, nous avons fait un voyage de trois jours en Haute-Loire autour du Chambon sur Lignon, avec une petite incursion en Loire à Firminy, du 24 au 26 mai.
Notre petite troupe comprenait 34 personnes, parfois jusqu’à 40, en incluant 4 paroissiens de Romans.
Notre première visite fut le quartier « vert » de Firminy, sous l’égide d’Eugène Claudius Petit, ancien ministre de la construction, imaginé par Le Corbusier mais réalisé selon ses plans par différents architectes et notamment l’église.
Église étonnante par son architecture en forme de centrale nucléaire ou de cheminée de paquebot et par les épisodes de sa construction de 1970 à 2006 : en raison de la crise financière le sous-sol seul voit le jour entre 1970 et 1978 à l’image d’un bunker réservé à des salles de conférences ou de réunions, classé aux monuments historiques en 1995. La métropole de St-Etienne ne reprendra les travaux qu’en 2004 et l’église sera inaugurée en 2006. Le bas est désormais réservé aux expositions et la haute nef est destinée à la messe une fois par mois et à des concerts de chœurs notamment en raison de l’acoustique particulière.
À retenir surtout les effets de lumière colorée et de filaments sur les murs selon la rotation du soleil à travers des puits de lumière et l’originalité de l’autel qui s’attache au sol par une colonne et à l’opposé présente une fosse vitrée comme puits de lumière.
Nous étions ensuite attendus à la Chaise-Dieu pat une jeune guide remarquable : abbaye du XIème siècle et qui a célébré ses 750 ans de présence religieuse, devenue écrin gothique du milieu du XIVème siècle.
Description du cloître, bien remanié, de l’ancienne bibliothèque dont 2/3 des livres ont disparu en raison des incendies, de la tour Clémentine, lieu de refuge des moines et du Trésor en cas d’attaque, de la chapelle des pénitents et de l’hôtellerie.
La création de l’abbaye remonte au 28 décembre 1043 avec Robert de Turlande né dans le Cantal et venu s’installer « dans la solitude stérile ».
L’abbatiale de style gothique languedocien ou des ordres mendiants comporte un jubé avec l’inscription « domine benidicere », 144 stalles décorées de créatures infernales, et le tombeau de Clément VI inhumé dans le chœur, après diverses péripéties. Quatorze tapisseries, auparavant visibles dans le chœur, ont été restaurées en 2013 et transférées depuis dans la chapelle. Probablement d’origine des Flandres, maintenues en hygrométrie désormais régulière, elles reproduisent des scènes très détaillées de l’Ancien et du Nouveau Testament. Elles sont faites de laine et de soie avec des fils d’argent et du blanc de gypse : un travail de deux ans par tapisserie.
Et avant de sortir de l’abbatiale, c’est l’enfer qu’on découvre dans la danse macabre avec les scènes des funestes destins des transis (squelettes debout) qui nous attirent, pauvres ou riches, jeunes ou vieux vers la mort. Les fresques sont magnifiquement conservées avec leurs couleurs du XVème siècle.
Le lendemain matin a été moins concentré intellectuellement puisque les plus vaillants ont fait une escapade de quelques kilomètres pour rejoindre la passerelle himalayenne sur le Lignon et nous avons franchi fièrement cette vallée du haut de notre « pont » suspendu ! Le Musée des Arts et Traditions Populaires pour les autres a été une découverte très intéressante et bien expliquée.
Après la visite du Mazet St-Voy, nous prenons la direction du Chambon sur Lignon pour la visite du Lieu de Mémoire. Nous découvrons le film « Les armes de l’esprit » de Pierre Sauvage avec les témoignages des
habitants du Chambon qui ont accueilli des personnes juives. L’action des pasteurs Trocmé et Theis après la signature par Pétain du décret contre les Juifs en 1941 est illustrée dans l’exposition de ce musée.
L’histoire des 5 000 Juifs cachés au Chambon et leurs familles d’accueil nous a été relatée avec beaucoup de précisions par une jeune guide passionnée par l’histoire de cette région : un plateau loin des grandes villes, en altitude avec de fortes chutes de neige l’hiver mais une autonomie alimentaire et où de plus le facteur religieux a joué un grand rôle. En 1940, 40% des habitants du plateau sont protestants et leurs ancêtres ont connu deux siècles de persécution, ils ont eu différentes périodes de réfugiés : des Espagnols de 1936 à 1939, l’exode quelques mois avant la défaite qui a compté jusqu’à 25 nationalités, deux vagues de Juifs à partir de 1940, ils ont été une plaque tournante pour l’évasion vers la Suisse avec les faux papiers de Jean-Claude Plunne. La vie quotidienne est faite de sport, d’école, d’intellectualisme, on y rencontre Camus qui y écrit « La Peste », Paul Ricœur qui y enseigne pendant trois ans…
La résistance spirituelle se traduit par la religion et l’opposition au nazisme : presse, tracts, lettres et cartes postales et enfin c’est la résistance armée en créant des maquis dans les forêts.
Après la guerre, les réfugiés quittent le plateau et 90 médailles des Justes seront remises par Yad Vashem. « Le devoir de mémoire, c’est le devoir de rendre justice par le souvenir à un autre que soi ».
L’après-midi s’est terminé par une conférence du pasteur Arnoux sur le protestantisme sur le plateau, ce qui nous a permis de voir que divers courants ont vu le jour après des schismes d’importance variable, avec actuellement six cultes différents au Chambon, et cinq au Mazet Saint-Voy.
Enfin, le dimanche matin nous avons participé au culte au Chambon avec un groupe genevois ; la prédication était donnée par le pasteur suisse qui accompagnait ce groupe. L’après-midi, nous avons effectué un « pèlerinage » au Bouschet de Pranles dans la maison de Pierre et Marie Durand où se pratiquaient les réunions de prière clandestines. Mais les Dragons étaient très actifs : malgré la charge de préfet consulaire de son père, Marie, pour son refus d’abjurer, est emprisonnée en 1730 à la tour de Constance pendant 38 ans parmi 35 prisonnières, et son frère Pierre subit le sort de tous les pasteurs, il est pendu sur l’esplanade à Montpellier.
Nous n’oublierons pas ce beau week-end, monté par de solides organisateurs, Jean-Marc Ayral et Daniel
Spinnler, avec un hébergement ad- hoc, des repas… gastronomiques, une ambiance chaleureuse, un conducteur de bus hors pair qui a su négocier tous les virages impraticables de Pranles… dont plusieurs d’entre nous se souviendront longtemps !
–
À l’année prochaine.
–
Chantal Spinnler