Mesdames et Messieurs,
Lorsque nous ouvrons la télé, la radio ou le journal, nous nous demandons encore quelle mauvaise nouvelle va nous être annoncée. Dès lors que j’ouvre la Bible, j’entends une bonne nouvelle, ainsi qu’il est écrit dans l’Evangile de Jean 3.16 : « Dieu a tant aimé le monde qu’il nous a donné son fils, afin que quiconque croit en Lui ne périsse pas mais qu’il ait la vie en abondance ». Ce Dieu qui s’incarne en Jésus-Christ, épouse notre condition humaine, accepte notre finitude jusqu’à mourir sur une croix. Par sa résurrection, la vie triomphe de la mort et l’homme est invité à recevoir cette vie qui lui est donnée par grâce. Celui qui est mort égorgé avant-hier n’avait pour arme que sa foi, la confiance en un Dieu qui sauve et non qui condamne, un Dieu qui fait vivre, et non qui fait mourir.
Vivre une vie d’homme et de femme n’est pas simple car notre société est d’autant plus fortement bousculée dans ses repères culturels et dans ses valeurs, que, dans le cadre de la laïcité, elle se veut plurielle. Il est sans doute plus facile, pour certains, de vivre dans une société codifiée et gérée par un seul courant, qu’il soit religieux ou politique, car il y a moins à penser, car il y a moins à douter. Mais Dieu a créé l’homme doué d’une conscience et d’un discernement pour qu’il en use. Il lui a offert la liberté pour qu’il exerce sa responsabilité et assume ses choix.
La laïcité est une chance pour que chacun puisse vivre sa foi et affirmer ses convictions librement. Si un chrétien a été tué au nom de sa foi, ce n’est pas le christianisme qui est en danger, mais c’est chacun de nous qui est touché. Et c’est la pluralité de l’expression de nos fois et de nos confessions, y compris à l’intérieur de nos religions, qui est menacée. Ainsi, il est de notre responsabilité de prendre soin de la foi de l’autre. J’ai entendu qu’à Bangui actuellement, tout comme en Egypte, il y a quelque temps, des chrétiens faisaient la garde autour de la mosquée le vendredi et des musulmans protégeaient l’église le dimanche matin.
Qu’as-tu fait de ton frère ? crie Dieu à Caïn après le meurtre d’Abel. Frères et sœurs, juifs, musulmans, chrétiens, agnostiques, cette voix nous interpelle tout particulièrement aujourd’hui. Puissions-nous l’entendre !
Cette guerre déclenchée par des djihadistes n’est pas une guerre de religion. Elle n’est pas celle des musulmans contre les juifs, les chrétiens ou les athées. Elle est une guerre de mécréants contre des croyants. Mais, contrairement à ce que voudraient nous faire croire ces terroristes, les mécréants ce ne sont pas nous, mais eux ! Dieu n’a jamais demandé à quiconque de tuer pour faire triompher la foi. C’est un non-sens. Et si, dans toutes les religions il y eut et il y a des extrémistes, cela constitue une déviance grave. On ne peut tuer au nom de Dieu. Il est impossible de se revendiquer croyant avec une arme car la seule arme véritable du croyant, c’est la foi, une foi qui est confiance. La propagation de la foi par la force, la persuasion ou la séduction n’est qu’illusion. La foi naît de la confiance et la confiance grandit avec la crédibilité, avec l’authenticité et la cohérence entre des paroles et des actes.
Faire confiance, voilà le vrai courage, aujourd’hui. Il ne s’agit pas d’une confiance aveugle et naïve, mais d’une confiance exigeante. Alors, frères et sœurs, croyants de toutes religions, agnostiques ou bien athées empli de convictions humanistes, il nous appartient de faire face à la peur, à la méfiance et à la mécréance. Tout d’abord en nous efforçant d’être meilleurs, plus vrais, plus cohérents, là où nous sommes. Et, dans le même temps, en franchissant les frontières de nos communautés, de nos certitudes, en osant la rencontre avec ceux qui ne croient pas de la même façon. Il y a sans doute bien longtemps que nous faisons cela, ici, à Grenoble, comme dans d’autres lieux en France, entre responsables religieux et spirituels. Mais, on peut le voir, ce n’est pas suffisant. Nous pourrions nous contenter de nous faire plaisir en prononçant de beaux discours. Il est de notre responsabilité de poser aussi des actes et d’exhorter tous les membres de nos communautés, et notamment les familles, et tout particulièrement les jeunes, à changer de regard sur ceux qui ne croient pas comme eux.
Oui, il nous faut agir pour que tout un chacun puisse découvrir que la foi, c’est d’abord de la confiance, et que le vrai courage, c’est celui de l’ouverture à celui qui n’est pas comme nous. C’est ainsi, et seulement ainsi que nous pourrons découvrir cette valeur essentielle que nous partageons tous et qui est l’espérance en un monde meilleur… un monde qui est à bâtir, dès aujourd’hui, tous ensemble.