Prédication: les quatre moments décisifs de la vie de Martin Luther

Prédication  500 ans Luther          texte Habacuc 2/1-4  par le pasteur Hervé GANTZ

 

Je me tiens sur le rempart dans l’attente de Dieu dans le désir  de Dieu dans l’espérance que Dieu va me parler  que je vais pouvoir le rencontrer. Telle est la parole du prophète Habacuc que fait sienne Martin Luther. Telle est la parole   récurrente du psalmiste  qui affirme son espérance , son désir de Dieu malgré tout, malgré l’adversité qu’il doit affronter.  Il n’est pas étonnant que pour Luther le livre des psaumes  soit le cœur de la bible  Il n’y a qu’ à relire le psaume 23 pour comprendre pourquoi : des taureaux de Bassan m’enserrent des lions me saisissent à la gorge mais le Seigneur va me délivrer.

Ce jour là alors qu’il vient d’être convoqué à la Diète de Worms pour répondre  de sa critique virulente de l’Eglise   c’est bien ce sentiment d’être une bête traquée qui anime Luther. Le voilà seul devant l’élite politique et religieuse  de toute l’Europe. A quel   événement politique  et religieux  le comparer aujourd’hui ? Aucun ne peut avoir autant de poids  autant d’importance  car ce jour là c’est bien le pouvoir politique et religieux qui demande à Martin Luther de se rétracter : «  Retracte toi Martin Luther et tu auras la vie sauve ». Car  c’est bien un enjeu de vie et de mort pour lui. Il sait pertinemment et ses amis l’en ont  prévenu, l’ont même dissuadé de venir à cette diète que s’il ne se rétracte pas il va être mis au banc de l’empire et donc condamné à être mis à mort par le premier venu. ……

Il faut imaginer sa solitude, son stress pour employer un mot moderne. Alors il demande  vingt quatre  heures de délai,  pour réfléchir, pour prier pour se mettre sur le rempart afin que Dieu lui parle.  On ne sait pas ce qui s’est passé pendant  ces vingt quatre heures. Mais quand Martin Luther se présente  à nouveau devant la Diète : il est déterminé. Une détermination froide, une détermination apaisée.  Il refuse de se rétracter invoquant sa conscience personnelle. « Je ne puis me rétracter sans  trahir ma conscience   sans trahir la lecture que j’ai de la bible ».

Voilà  pour moi le moment le plus important de la vie de Martin Luther qui  dit ce  qu’est le protestantisme : un homme,  capable au nom de sa conscience personnelle  de résister,  de s’opposer au pouvoir politique et religieux.  Ce moment là est plus important à mos sens encore que  l’affichage des  de ces fameuses 95 thèses .  Les historiens sont à peu près d’accord aujourd’hui sur le fait  qu’elles n’ont probablement pas  été affichées publiquement par Martin Luther mais plutôt par ses étudiants. Les étudiants sont plus joueurs que les professeurs. Mais ce jour là Martin Luther met sa vie dans la balance  et l’histoire de l’Europe et de l’Eglise vont en être transformées

Mas comment en est-il arrivé là ?  Il y a, après qu’il  ait promis  de devenir moine  un jour d’orage  si Dieu l’épargnait, un premier choc  existentiel. Son voyage à Rome au cours de l’année 2010. Il est encore jeune moine augustinien et ses supérieurs ont décidé de l’envoyer découvrir le monde  afin de le sortir d’une certaine morosité. Martin Luther a une conscience exacerbé de son péché  et ce voyage a pour but de le dérider. C’est tout le contraire qui se produit. Martin découvre la corruption de l’Eglise, sa richesse arrogante face à la pauvreté du peuple, et il en est profondément troublé,  choqué. Et ce voyage au lieu  d’être pour lui un bol d’oxygène va se révéler être source de souffrance supplémentaire. Comment l’Eglise a-t-elle pu tomber si bas. Il tombe  alors sans doutes dans ce que nos médecins appelle aujourd’hui une  profonde dépression ! Je l’interprète en tout cas pour ma part comme cela.

Et c’est sa lecture  de la bible   et notamment  dans le  livre d’Habacuc le   verset 4 du Chapitre 2 :  «  Le juste par sa foi vivra »  qui va faire déclic. Nul ne peut  se sauver lui-même. Nul ne peut gagner son Salut pas ses œuvres méritoires. Le Salut est un don de Dieu qui  ne peut  s’acheter. Le Salut est un cadeau précieux que tout chrétien est appelé à recevoir avec reconnaissance. ….Cette parole va faire œuvre de libération ,de résurrection dans sa vie. C’est un  homme nouveau, un Martin  Luther libéré  du poids de son péché qui  nait à la vie. On ne sait pas dater précisément ce moment de la vie de Martin Luther. Il se situe dans les années  2014 à 2017.  On ne sait si cette révolution intérieure est le fruit d’une intuition soudaine  ou au contraire si elle s’est inscrite dans le temps. Une chose est sûre. Martin Luther n’est plus le même et on ne va pas tarder à le savoir.  Il formule  ses thèses qui vont avoir très vite grâce à l’imprimerie un immense succès et il va s’attaquer de front à la prédication  du moine  Tetzel  affirmant qu’il est possible d’acheter son salut par des espèces sonnantes et trébuchantes. C’est bien-sûr scandale pour lui qu’il ne va pas cesser de dénoncer.  C’est à partir de ce moment que se forge dans sa pensée théologique  le triptyque  sola gratia sola fide sola scriptura. Auquel sans le trahir on peut rajouter solus christus le Christ Seul. Car la théologie de Martin Luther est profondément christologique. C’est par le Christ par son sacrifice  que nous pouvons êtres assurés du pardon de Dieu  C’est en lui que nous sommes ses bien-aimés.

Martin Luther ne s’est pas rétracté, ce jour décisif à la Diète de Worms. Heureusement parmi les Princes Electeurs présents il  peut compter sur la bienveillance  de Frederic le Sage qui depuis toujours le protège. Luther sort libre de Worms mais ses jours sont tout de même comptés. Mais  alors qu’il fait route pour regagner Wittenberg il est enlevé et conduit dans un endroit secret    pour y être fait prisonnier. Il croit sa dernière heure venue. Mais c’est en fait Frederic le Sage qui l’a fait enlevé pour lui sauver la vie. Il se trouve en sécurité  dans le château de Warbourg. On   lui  donne une identité nouvelle celle du  Chevalier Georges et Martin  se laisse  pousser la barbe pour se rendre méconnaissable. Son salut est à ce prix.

Dans ce château  de manière tout à fait étonnante Martin Luther va retrouver pour un temps sa condition de moine. Pas  de sortie pas ou très peu de visite. Du temps pour prier et méditer les écritures. Il semble c’est en tout cas là aussi mon interprétation que cela a été un temps heureux de sa vie. Et ce temps va être fructueux. Martin Luther va consacrer ce temps à ce geste décisif pour l’Eglise et pour la Nation allemande de la traduction de l’évangile en langue allemande. Geste décisif pour l’Eglise car il va permettre aux chrétiens allemands sachant lire mais ne maitrisant pas le grec  d’avoir accès directement au texte biblique et de forger leur propre interprétation. Geste  décisif pour la nation  allemande car la Bible peut être considérée comme le premier grand ouvrage de la littérature allemande.

Quatre événements décisifs de la vie de Martin Luther qui ont marqués au fer rouge  sa vie et à travers elle l’histoire de l’Eglise du monde : son voyage à Rome en 1510  sa découverte que le Salut est une grâce offerte par Dieu dans les années 1514-1517, la Diète de Worms où il affirme la liberté de conscience en avril 1521 et enfin sa traduction du Nouveau Testament en Allemand dans le château de Warburg entre 1l’année 1521 et l’année 1522. Rien ne serait arrivé  sans l’attachement de Martin Luther aux écritures sans son désir  sincère et immense de Dieu. Je me tiens sur le rempart et je guette. Je me tiens sur le rempart et je m’attends à Dieu.  Nous aussi comme Martin Luther avec sans doutes moins d’éclat d’intelligence et de foi nous voulons nous tenir sur le rempart et nous attendre à Dieu.  Il  est le Dieu  qui garde notre départ et notre arrivée. Il est le roc sur lequel nous pouvons nous appuyer.

Amen

 

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